Coglès

TP.

Samedi 12 mai : Coglès

Traumatisés par le déluge de la sortie du Valjoie, les membres de la Société n’ont pas hésité à s’expatrier en franchissant la frontière bretonne pour découvrir la commune de Coglès, probable ancien chef-lieu de ce vieux pagus romain du pays de Fougères.

Accueillis par Messieurs Nicolas Garel, Patrick Julliard et Henri Hérissé, de la Société Historique du Pays de Fougères, les sociétaires ont découvert l’église paroissiale Saint-Jean, qui occupe sans doute l’emplacement d’un édifice beaucoup plus ancien, comme l’attestent des fragments de sarcophages mérovingiens en calcaire de Sainteny, observés çà et là en remploi dans les maçonneries du chœur.

Donnée dans la seconde moitié du XIe s. par l’évêque de Rennes à l’abbaye de Saint-Melaine de Rennes, restaurée en 1654 par des moines venus de l’abbaye Saint-Florent de Saumur, cette église fut, jusqu’au XIIIe siècle, le siège d’un petit et éphémère prieuré de l’abbaye rennaise. Le manoir des moines, entretenu par le curé, semble avoir disparu à la fin du Moyen Âge, et la grange à dîmes à la fin du XVIIe siècle, avec la chapelle Saint-Denis, qui était construite dans le cimetière voisin.

Sans doute reconstruit au milieu du XIe siècle, l’édifice présentait un plan simple, maintes fois rencontré, une nef unique charpentée séparée du chœur plus étroit par un arc triomphal surmonté à l’extérieur par un clocher peigne. De cette phase romane subsistent les murs latéraux de la nef, et une baie romane percée dans le mur nord.

À la fin du XIIIe s. ou dans le courant du siècle suivant, cette nef fut restaurée, et une porte percée dans le mur nord. Il en subsiste quelques éléments. Et à la fin du Moyen Âge, la nef fut coiffée d’une nouvelle charpente. Si la charpente en place n’a pas été datée, on peut supposer qu’elle est due au mécénat de la famille Marbré, seigneur du fief principal de la paroisse, qui était en conflit avec les moines de Saint-Mélaine, patrons de l’église. Les blasons en granit, portant une aigle éployée sur les murs intérieurs de la nef, sont les probables vestiges d’une litre funéraire « durable » de cette famille qui semble avoir disparu de la paroisse dans la deuxième moitié du XVe siècle.

A la fin du XVe siècle, ou probablement au début du siècle suivant, la façade occidentale fut entièrement reconstruite, avec sans doute un petit clocher porche à l’ouest. De cette première tour, il ne reste que la tourelle d’escalier annexe, la tour ayant été reconstruite en 1768.

Comme dans nombre d’églises de la baie, ce clocher est sommé d’un dôme et d’un lanternon, construit sur le modèle de la charpente édifiée en 1612 par des charpentiers bretons sur la tour restaurée de l’abbaye du Mont Saint-Michel.

Les archives de la paroisse, et le millésime gravé sur le linteau de la porte, indiquent qu’en 1652, l’église fut dotée d’une chapelle dédiée à la Vierge sur la côtière nord. Percée pour donner un plan cruciforme à l’église, une autre chapelle, dédiée à des saints réputés protecteurs de la peste, saint Roch et saint Sébastien, fut ajoutée au sud en 1734.

Enfin, le chœur primitif semble avoir été en grande partie reconstruit, et peut-être prolongé dans le courant du XVIIIe siècle. Comme dans bien d’autres exemples, ces travaux ont remployé des fragments des dalles funéraires médiévales qu’on retrouve aujourd’hui éparpillées « façon puzzle » aux quatre coins de l’édifice.

A l’issue de la visite de cette église, plus intéressante qu’il n’y paraît au premier abord, les sociétaires se sont rendus en procession jusqu’au magnifique manoir de la Bretonnière, dont le propriétaire, Monsieur Stratigos, nous avait autorisé la visite extérieure, bien qu’il soit absent ce jour-là.

La Bretonnière

Probable demeure d’une famille Breton au Moyen Âge, ce manoir a été le siège d’un des fiefs de la paroisse et avait, selon certains auteurs, droit de haute justice.

La Réformation de la Noblesse de Bretagne en 1513 indique qu’il était alors à « Jean des Vaux et Marie Couaisnon sa compaigne et à cause d’elle gens nobles, et appartenant auparavant à feu Bertrand Couaisnon, en son temps seigneur de la Bretonnière, anciennement noble, dit oultre qu’ils ont eu connaissance qu’un nommé des Masures y est toi en son temps sieur du lieu de la Bretonnière et homme roturier de bas état… »

Passé dans le courant du XVIe s. aux de Sceaux, il devint par mariage la demeure de Gilles Pinczon, écuyer et sieur de la Pinczonnière, célèbre pour avoir tenu un journal, ou livre de raison, de 1575 à 1585.

La chapelle, fondée par Gilles Pinczon vers 1600, et restaurée par sa petite-fille Françoise de Marbœuf, a malheureusement été détruite en 1841. Il reste aujourd’hui, en plus des communs, un manoir qui remonte sans doute au début du XVIe s. et qui devait présenter à l’origine une grande salle, ouvrant sur la cour par une grande porte ronde, percée au centre de la façade, sur le « bas-bout » de la salle, avec à gauche son cellier éclairé et ventilé par de petites ouvertures, et surmonté comme la grande salle par deux grandes chambres à l’étage, avec probablement une petite tourelle d’escalier à l’arrière.

Dans la deuxième moitié du siècle, le manoir fut allongé et agrandi, à l’est comme à l’ouest, et flanqué d’une petite enceinte de défense. Et surtout, la façade sur la cour fut dotée d’un pavillon formant porche au-dessus de la porte conservée de la grande salle primitive.

Ce pavillon est à rapprocher de nombre de constructions normandes des XVIe et XVIIe siècles. Nous avons déjà rencontré des dispositions proches au manoir de Brion, construit par les abbés du Mont Saint-Michel à Dragey au début du XVIe siècle, et au petit manoir du Motté à Avranches. Enfin, il existait, selon les archives, une construction semblable au-dessus de la porte d’entrée du château de Saint-Pierre-Langers, reconstruit sur un site beaucoup plus ancien au début du XVIIe s.

La chapelle de la Potelais

Après la découverte des extérieurs de cet intéressant manoir, la Société, à l’invitation de M. Garel, a achevé ce riche après-midi par la découverte, dans le site enchanteur de la vallée du Tronçon, de la chapelle de la Potelais et de son magnifique et exceptionnel mobilier religieux du XIXe siècle.

François Saint-James

Quelques sociétaires parmi les plus intrépides ont complété cette après-midi déjà bien garnie par la découverte sans commentaires de la motte de Frontigné. Cette structure, à la limite de Coglès et de Saint-Brice-en-Coglès, est modeste, mais néanmoins caractéristique des mottes castrales antérieures à l’an mil. Heureusement accompagnés par MM. Garel et Julliard, avec l’accord de la propriétaire, Madame Pirotais, les membres présents ont pu ainsi satisfaire leur curiosité.