Fraude ou superfétation ? Deux actes de naissance insolites dans le Mortainais

L’examen des registres de l’état civil peut quelquefois réserver d’étonnantes surprises : témoins ces actes de naissnce très insolites dans le Mortainais.

Naissance de Sophie Marie Milcent[1] :
L’an mil huit cent soixante-quatorze, le trente et unième jour du mois d’octobre, à dix heures du matin, par devant nous Hippolyte Bréhier, maire, officier de l’état civil de la commune de Saint-Hilaire-du-Harcouët, chef-lieu de canton, département de la Manche, est comparu François Guillaume Louis Milcent, cultivateur né à Martigny le vingt mai mil huit cent quarante-trois et domicilié au dit Saint Hilaire, lequel nous a présenté un enfantdu sexe féminin, né ce matin à trois heures, de lui déclarant en sa demeure, sise à Laumondais, et de Victorine Marie Mazier, son épouse, même domicile, née à Savigny-le-Vieux le vingt-deux avril mil huit cent quarante-neuf et auquel il a déclaré donner les prénoms de Sophie Marie, les dites déclarations faites en présence des sieurs Paul Mottier, âgé de cinquante-sept ans et Alfred Lecroisey, âgé de cinquante-deux ans, tous deux vivant de leurs biens et domiciliés au dit Saint Hilaire, et ont le père et les témoins signé avec nous le présent acte après lecture faite.

Naissance de Victorine Marie Augustine Milcent[2] :
L’an mil huit cent soixante-quatorze, le neuf novembre, à huit heures du matin, par devant nous Victor Dupont, maire, officier de l’état civil de la commune de Virey, canton de Saint-Hilaire-du-Harcouët, département de la Manche, est comparu François Guillaume Louis Milcent, cultivateur né à Martigny et domicilié à Virey, âgé de trente et un an, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, né le sept de ce mois à deux heures et demie du soir, en son domicile situé au lieu de la Bliais en cette commune, de lui déclarant, et de Victorine Marie Mazier, cultivatrice née à Savigny-le-Vieux, âgée de vingt-cinq ans, domiciliée avec lui et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Victorine Marie Augustine, les dites déclarations faites en présence des sieurs Magloire Demirleau, cultivateur âgé de trente-huit ans et François Normand, aussi cultivateur âgé de cinquante ans, tous deux domiciliés en cette commune, et ont le père et les témoins signé avec nous ce présent acte après lecture faite.

Mariés le 6 février 1872 à Saint-Hilaire-du-Harcouët, François Milcent et Victorine Mazier, tous deux laboureurs, s’installent à l’Aumondais. Sept enfants naissent à Saint-Hilaire-du-Harcouët entre 1873 et 1885[3].
Nous avons trouvé dans les registres de l’État-Civil de la commune de Virey[4] un acte de naissance déroutant : celui d’un enfant né de ce couple, mais à une semaine d’écart d’un autre enfant issu, lui aussi de ce même couple, mais né à Saint-Hilaire-du-Harcouët !
La proximité temporelle de ces deux naissances – sept jours – mentionnant des parents semblables – dates et lieux de naissances identiques –, mais dans deux communes limitrophes a de quoi étonner !
Victorine Mazier aurait-elle subi une superfétation[5] ? L’extrême rareté de ce phénomène peut cependant nous orienter vers la piste d’une fraude. Aurait-on voulu cacher la naissance d’un autre enfant, illégitime ou étranger au ménage ? A-t-on profité des suites de couches de la mère pour rendre crédible cette fraude ?
Toujours est-il que les deux petites filles vont grandir au sein du ménage et se marier, l’une à Chèvreville en 1899 et l’autre à Paris en 1903.

[1] Archives départementales de la Manche, 5 MI 333-334, p. 49 (n° 160).
[2] Archives départementales de la Manche, 5 MI 324-325, p. 167 (n° 57).
[3] Dép. Manche, ch.-l. cant.
[4] Dép. Manche, cant. Saint-Hilaire-du-Harcouët.
[5]La superfétation est l’implantation d’une nouvelle grossesse dans un utérus qui contient déjà une grossesse en développement, ce qui expliquerait les sept jours de différence entre les deux accouchements.

Document proposé par David Lemoussu