La fonte des cloches de l’église Notre-Dame du Touchet en 1778

Grâce à l’un de nos sociétaires, M. Fernand Boëton, nous publions ce trimestre-ci, un texte tiré des registres BMS[1] de la paroisse Notre-Dame-du-Touchet[2] et daté de l’année 1778. Il arrivait quelquefois que les curés, chargés de tenir ces registres ne se contentent pas uniquement de transcrire les actes de baptêmes mariages et sépultures, mais y insèrent également des notations sur les événements se déroulant dans leur paroisse. Dans le cas de celle-ci, les curés successifs y notèrent également des événements « nationaux », tels que le décès du roi Louis XV, mais aussi « internationaux » comme le tremblement de terre de Lisbonne.
Ici, il s’agit d’un événement très important pour la communauté paroissiale, puisqu’il s’agit du remplacement des cloches de l’église. À cette époque, la fonte des cloches ne se fait pas dans un atelier spécialisé, comme aujourd’hui, à Villedieu-les-Poêles, mais sur place à côté de l’église ou quelquefois dans l’église même[3]. La tradition veut que les cloches protègent le village, on dit même qu’elles éloignent la foudre, c’est pourquoi elles ne doivent pas quitter le terroir paroissial. On fait appel à un artisan spécialisé venant de très loin, puisqu’il est originaire de Lorraine. Il est chargé de récupérer le bronze des anciennes cloches, d’y rajouter éventuellement du métal pour en faire de nouvelles. Mais, on sent que la confiance est limitée envers cette personne que l’on ne connaît pas, puisqu’on l’oblige à se nourrir (et peut-être aussi à loger ?) à l’auberge du village.
L’autre élément curieux est le refus de madame d’Ambré de nommer la cloche. C’était plutôt un honneur d’être choisie, et on ne connaît pas la raison de ce refus.

Dans l’année 1778 le 29 septembre les paroissiens ont délibéré pour faire fondre la grosse et la petite cloche de Touchet, l’arengement fut fait avec le nommé François Aubert de la paroisse de Saint Thibaut, diocese de Toul province de Loraine fondeur par le prix et somme de cent cinquante livres pour la refonte des dittes deux cloches ; à charge audit fondeur de se fournir à ses frais un homme pour lui aider, de se fournir de cire, de bois, de charbon, de filasse, de bourre, à charge aussi de descendre du clocher et de remonter les dittes deux cloches à ses perils et risques en lui fournissant du monde pour lui aider ; le général n’étoit obligé qu’à fournir audit fondeur des planches pour le mettre à couvert des injures de l’air, à fournir la ferrure, et les barres de fer necessaires pour laditte fonte et deux cordes de pierres pour la construction des fournaux pandant tout le quel tems il etoit obligé de se nourrir à l’auberge ; le général authorise le fondeur à fournir le metal necessaire afin de mettre les dittes deux cloches concordantes et à l’unisson de la seconde cloche qui doit rester d’autant qu’elle est excelante quoique fort ancienne les deux cloches pesoient en tout treize cent quatre vingt dix livres, et on à mis pour les augmenter cinq cent deux livres de metal,  raison de trente souls la livre, ce qui fait que la grosse cloche pese au jour d’hui aux environ de douze cent livres, la petite pese près de sept cent livres, ce qui a couté à la paroisse et au tresor plus de mil livres parce qu’il a fallu grossir les batans, mettre deux poutrelles au clocher et les autres ferrures necessaires.
On presenta une requête à Monseigneur l’intendant de Caen pour être authorisé à lever sur tous les fonds de la paroisse une somme de quatre cent vingt livres pour la refonte des dittes cloches, la reqiête a été authorisée, et la paroisse a païé cette somme de quatre cent vint livres, et le tresor le restant des autres sommes dues. Il y à eu de la difficulté pour rescevoir la grosse cloche d’autant qu’il paroit par dedans certaines petites cavités, le fondeur fut obligé de la cautionner pendant quatre mois au bout des quels on la trouvée bonne
Par la même délibération la paroisse Noma pour nomer les deux cloches Madame d’Ambré dame de laditte paroisse, ce qu’elle refusa, ensuite de quoi les paroissiens s’adresserent à Monsieur de l’Enteigne receveur des tailles a Mortain qui accepta de nommer la grosse cloche et choisi pour sa maraine dame Marie Gerard de la Gerardiere femme de Messire Pierre Achard sieur de la Vente ancien officier de marine, la petite cloche n’a point eu de parain ni de maraine. Le sieur de l’enteigne et la ditte dame de la Vente ont donné à l’eglise une etofe en soïe a fleur blanches et fond rouge pour faire une chappe le dessus seulement.  Les  dittes deux cloches ont été baptisée le jour saint André apres vespres elles avaient été fondües toutes les deux en 1705, et il y avaoit dit-on plus de quarante ans qu’elles avoient été cassées.

[1] Registres des baptêmes, mariages et sépultures.
[2] Dép. Manche, cant. Le Mortainais.
[3] Lors de la fouille de la cathédrale Saint-André d’Avranches, nous avons ainsi retrouvé dans la nef plusieurs fours et moules à cloche datant du Moyen Âge : Daniel Levalet, « La cathédrale Saint-André d’Avranches », Archéologie médiévale, t. XII, 1982, p. 150-151, Pl. XXIII et XXIV.

Document proposé par Daniel Levalet