Montanel : la Touche-Villeberge

Montanel : la Touche-Villeberge

Cet après-midi s’est achevé, à l’invitation de Madame d’Harcourt, par la découverte du parc et du château de la Touche-Villeberge à Montanel, propriété pendant plusieurs siècles de la famille Guiton.

Portant d’azur à trois arçons d’argent, cette famille est l’une des plus anciennes de l’Avranchin. La légende familiale, défendue au XIXe siècle par Crescent Guiton de la Villeberge (1781-1873), faisait remonter son origine à un Raoul Guiton, compagnon de Guillaume le Conquérant sur le champ de bataille d’Hastings en 1066. Les historiens relèvent qu’elle apparaît un peu plus tardivement, à la fin du XIIe siècle, et s’illustra pendant la guerre de Cent ans. Jean Guiton, dit le Rebelle, fut l’un des 119 chevaliers défenseurs du Mont Saint-Michel pendant le long siège du rocher dans la première moitié du XVe siècle. Selon ses descendants, compagnon de Jeanne d’Arc au siège d’Orléans en 1428, il fut nommé capitaine de la forteresse de Saint-James en 1448. Son fils épousa Guillemette Le Charpentier, dame de la Touche, qui lui apporta sans doute à cette époque la terre de la Touche-Villeberge.

Entouré d’un parc planté de beaux arbres, le château actuel aurait, selon la tradition, remplacé une construction fortifiée du XVIe siècle. L’édifice, homogène en apparence, est le fruit de plusieurs constructions et agrandissements. La grande salle du rez-de-chaussée conserve une cheminée du XVIe siècle qui pourrait, avec la trace d’une porte en façade et le mur à l’arrière du bâtiment, constituer les derniers vestiges de la grande salle d’un manoir plus ancien.

En 1678, la date inscrite sur le linteau d’une des baies de la façade semble l’attester, Charles Guiton (1639-1719), chevalier de l’ordre de Saint Louis et ancien lieutenant général des armées, décida de reconstruire le château, en intégrant ces vestiges dans un nouvel édifice, édifié autour d’un hall et d’un escalier central. Marquée du sceau de la symétrie, cette construction de la fin du XVIIe siècle fut agrandie de part et d’autre, sans doute à la fin du XVIIIe siècle, voire au début du XIXe. Enfin, au milieu du XIXe siècle, Crescent Guiton de la Villeberge entreprit d’importants travaux d’embellissement, en ajoutant des pavillons à l’arrière, de belles lucarnes et un imposant fronton d’esprit XVIIe à la façade principale.

La visite s’est achevée par la chapelle gothique du château. Édifiée, semble-t-il ex nihilo, par Crescent Guiton de la Villeberge, cette chapelle présente des baies et un portail provenant de l’église paroissiale de Saint-Martin-de-Belley à Saint-James.

Rasée en 1820 au bénéfice de l’ancienne église du prieuré, cette église avait sans doute été reconstruite dans le courant de la première moitié du XIIIe siècle, et eut comme curé à cette époque un certain Raoul Guiton (chartes de 1254 du cartulaire de l’abbaye de Montmorel).

Les beaux vestiges réutilisés à Montanel et le magnifique portail principal, remonté à l’entrée du cimetière de Saint-James, présentent des chapiteaux à crochets, surmontés de tailloirs circulaires en larmier du plus pur style gothique normand. Comme la très belle cave voûtée de la rue Saint-Jacques à Paris, qui date elle aussi de la même époque, ces vestiges portent la trace de l’influence des grands chantiers de construction de la Merveille au Mont Saint-Michel, et proviennent peut-être des ateliers des îles Chausey au XIIIe siècle.

François Saint-James