Bravant les éléments déchaînés avec une pugnacité et un héroïsme devenus légendaires… une centaine de sociétaires s’est retrouvée le samedi 13 février à l’église des Chambres, pour répondre à l’aimable invitation de notre collègue Rémi Pinet, maire de la nouvelle commune du Grippon, regroupant Champcervon et les Chambres.
La visite a débuté par la découverte du manoir de Chantepie, où nous avons été très aimablement accueillis par la famille Meigné. Placé à la frontière avec la paroisse de Lolif, ce manoir fut, d’après les précieux renseignements donnés par monsieur et madame Roux, la demeure de la famille éponyme, depuis au moins le milieu du XIIe siècle.
Selon l’abbé Desroches, lors de la grande révolte populaire de 1434 contre l’occupant anglais, les révoltés de l’Avranchin étaient conduits par un nommé Chantepie, de la paroisse des Chambres, qui selon le même historien, fut tué au siège de Caen. Lors de la recherche de noblesse de 1464, le commissaire Montfaux renvoie Jean de Chantepie au paiement de la taille. Peu après, il semble que le manoir soit passé aux mains d’une des nombreuses branches de la famille Martin. Les Martin de Chantepie se sont maintenus jusqu’au XVIIe siècle et en 1635, d’Aligre reconnut noble Louis Martin, seigneur de Chantepie. D’une noblesse incertaine, cette famille semble avoir eu de grandes ambitions, comme le suggère la construction de ce manoir au début du XVIe siècle. L’édifice placé dans l’axe de l’allée, entre cour et jardin, fut profondément remanié dans le courant du XVIIe siècle, comme l’indique sa charpente en pavillon caractéristique de cette époque. Les baies primitives, reprises lors de cette « modernisation » conservent des éléments anciens et en particulier, une magnifique porte d’entrée qui devait à l’origine ouvrir sur la grande salle mais donne aujourd’hui accès à un escalier droit en pierre placé au centre du logis à l’époque moderne.
Présentant un décor sculpté très raffiné dans l’esprit du gothique tardif (un gable incurvé encadré de pinacles et orné de crochets feuillagés), ce portail assez spectaculaire porte deux blasons entourés par des lions dont un de forme losangique, qui devait appartenir à une femme. Nous serions tentés de justifier la construction de ce manoir par un mariage dans les premières années du XVIe siècle.
La visite s’est prolongée par la découverte du manoir de la Beaudonnière, qui fut au XIXe siècle la propriété de la famille Boudent-Godelinière, originaire de la paroisse des Chambres. Attestée très anciennement, la famille joua à la fin du XVIIIe siècle et surtout au siècle suivant, un rôle important à Avranches, et bien sûr, au sein même de notre société. C’est à Auguste-Louis-Joseph Boudent de la Godelinière (1811-1887) qu’il faut attribuer la transformation d’une ferme ancienne, remontant peut-être à la fin du XVIe siècle, en castel néo-médiéval. La tour d’escalier rajoutée (datée par une inscription de 1864), les fenêtres à meneaux maladroitement insérées et surtout la magnifique serre formant jardin d’hiver sur le pignon, donnent à cette demeure un cachet anglo-normand des plus savoureux. Mais le grand intérêt de cette propriété réside dans le magnifique parc, planté d’arbres et d’essences remarquables, qui occupent un vallon spectaculaire et où s’agitent aujourd’hui au milieu des poules, paons et lapins en liberté, des adolescents anglais en séjour de découverte dans notre région.
Nous garderons le souvenir d’une bande d’adolescents hilares, couverts de boue de la tête aux pieds après un parcours sportif dans le parc.
Enfin, cette humide mais riche après-midi s’est achevé par la visite de l’église de la Trinité des Chambres. Sans doute donnée au XIe siècle par Hugues le Loup vicomte d’Avranches, à l’abbaye de Saint-Sever, cette église revint pour partie au chapitre cathédrale d’Avranches, et au seigneur. Accueillis par M. l’Abbé Damoy, curé de la paroisse de La Haye-Pesnel, nous avons pu découvrir ce modeste édifice, qui, sans doute d’origine romane, fut en grande partie reconstruit entre le XIVe et le XIXe siècle.
L’édifice conserve deux petites baies trilobées, murées, du XIVe siècle sur les gouttereaux nord et sud. Situées à la jonction entre nef et chœur, elles devaient primitivement éclairer les autels secondaires de la nef, placés de part et d’autre de l’arc triomphal disparu. Dans la remarquable plaquette rédigée par Jacky Brionne, nous découvrons qu’il existait deux autels latéraux, dédiés à la Vierge et à saint Clair, patron secondaire de l’église. En 1846, Edouard Le Héricher a évoqué un bas-relief en marbre blanc, surmonté d’un dais gothique ouvragé représentant le groupe de la Trinité. Malheureusement, cette œuvre a disparu, mais nous pouvons supposer qu’il s’agissait d’un albâtre anglais du XVe siècle, originaire de la région de Nottingham, au nord de Londres. Comme le groupe comparable, qui existe toujours dans l’église de Sauxemesnil.
Enfin, signalons, à côté d’une Vierge à l’Enfant et d’une Sainte Catherine d’Alexandrie, de la fin du XIVe siècle ou du début du siècle suivant, un remarquable groupe en pierre calcaire, représentant la Sainte Trinité, qui doit dater de l’extrême fin du XVe siècle. Il a été étrangement placé au centre d’un retable remonté dans le chœur au début du XIXe siècle, avec des éléments plus anciens. Outrageusement badigeonné, ce groupe de grande qualité mériterait une restauration.