Granville, l’ancien couvent des Cordeliers et le château du Vau Tertreux

Organisée par madame Michelle Chartrain, l’après-midi du 14 mai restera dans les mémoires des nombreux membres de la Société présents. Profitant d’un magnifique soleil, ils ont découvert avec émerveillement deux propriétés des abords de la ville de Granville. Inconnu de nombre de Granvillais, l’ancien couvent des Cordeliers de Granville remonte à l’implantation de cet ordre dans la ville au XVIe siècle.

C’est à Chausey, dans les murs de l’ancien prieuré des moines du Mont Saint-Michel, que cette communauté de Franciscains fut installée au milieu du XIVe siècle, par l’abbé du Mont, Nicolas le Vitrier. Mais persécutés par des soudards anglais à la solde d’Henri VIII, sans doute venus des îles anglo-normandes voisines, ces religieux se réfugièrent sur le continent en 1543. Hébergés pendant trois ans au Hérel, les religieux purent s’installer sur le site actuel grâce aux libéralités de Jacqueline d’Estouteville, dame d’Hambye, et de sa fille, Adrienne. La nouvelle église fut dédiée dès 1547 en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie et de saint François, patron du couvent, À la Révolution, les derniers religieux, prédicateurs du diocèse et aumôniers des terre-neuvas, furent chassés du couvent et de la ville. Achetée comme Bien National, la propriété fut vendue aux ancêtres des propriétaires actuels à la fin du XIXe siècle. Le couvent se présentait sous la forme d’un quadrilatère : les bâtiments conventuels occupaient trois des côtés et l’église, le quatrième. L’église et le cloître ont disparu pendant la Révolution.
Remontant donc au XVIe siècle mais en grande partie reconstruites au XVIIIe siècle, les trois ailes du bâtiment restant forment un U autour du cloître disparu. Au sud, le mur de l’enclos monastique existe en totalité avec deux petits pavillons carrés aux angles. On trouve des coquilles d’huîtres dans la composition de certains murs : le grand nombre d’huîtres décoquillées à Granville, notamment pour être expédiées et vendues « marinées » explique que l’on retrouve des coquilles dans les murs des plus anciennes maisons.
Un bas-relief sculpté des armes de l’ordre (deux bras croisés portant les stigmates du Christ et de saint François) signale l’ancienne vocation religieuse du bâtiment.
Le parc arboré, l’ancien pigeonnier et la ferme ouvrant sur les champs constituent un cadre magnifique à cette propriété cachée des regards et où le temps semble s’être arrêté.

Puis les sociétaires se sont retrouvés au château du Vau Tertreux où ils furent très aimablement accueillis par monsieur et madame Lemière. Ce manoir a été construit par René Perrée de Grandpièce (1722-1779), fils de capitaine et d’armateur granvillais, lui-même corsaire, armateur, maire de Granville en 1762 et prieur-consul. De gros travaux sont faits par un de ses descendants, Louis Perrée, banquier à Paris, qui y reçoit des gens importants. Puis cette propriété fut acquise en 1850 par le riche banquier Victor Le Mare et légué par son fils Georges, en 1904, à un jeune sous-préfet de Coutances, Edouard Peyre, ancêtre des propriétaires actuels.
Remontant sans doute à la fin du XVIIIe siècle, la maison fut « modernisée », à la fin du XIXe siècle, par un décor néo-Louis XIII, plaqué sur sa façade principale. Le parc est dessiné alors dans un style de jardin anglais par Jean-Charles Alphand, paysagiste qui collaborait avec Haussman sur les espaces verts parisiens. De nombreuses dépendances sont construites témoins de l’organisation domestique de la propriété qui constituait une exploitation rurale autonome, avec tous les bâtiments nécessaires à cette activité qui sera désormais celle des propriétaires. Ainsi, on trouve une ferme avec sa basse-cour, son étable, une superbe écurie doublée d’une petite pièce pour entreposer selles et harnachements, un fruitier, un pigeonnier, un bâtiment destiné à la menuiserie, etc. Un jardin potager dessiné en carrés bordés de buis et une exceptionnelle serre encore intacte fournissaient fruits et légumes.
Les sociétaires, guidés par monsieur et madame Lemière, ont pu admirer la magnifique salle, le grand potager enclos de murs, et les écuries, mais surtout découvrir l’extraordinaire pavillon de billard, aménagé vers 1860 dans le parc. Couvert d’une toiture en tuiles vernissés polychromes, à la manière de l’hospice de Beaune, ce pavillon abrite un spectaculaire et très raffiné décor peint sur ces murs et son plafond. Ce décor principalement animalier et végétal, d’une rare qualité, est fort heureusement très bien documenté par les archives retrouvées par monsieur et madame Lemière.

Cette belle découverte s’est achevée autour d’un goûter très aimablement proposé par les propriétaires.