Petite galerie de portraits

Édouard Le Héricher (1812-1890)
Édouard Le Héricher, né à Valognes en 1812 et figure emblématique de l’érudition locale, anima la Société dès les années 1840, d’abord comme secrétaire, puis en tant que président jusqu’à son décès, en 1890. Homme charismatique, Édouard Le Héricher su attirer à lui élus, magistrats, notaires, négociants, commerçants, rentiers, fonctionnaires, professeurs, médecins, ecclésiastiques, ingénieurs ou encore artisans ; cette grande diversité témoigne d’un bel esprit d’ouverture qui impliquait nécessairement un détachement de chacun vis-à-vis des questions politiques et religieuses.

Edouard Le HéricherSous sa présidence, la Société compta près de cent quatre-vingt membres répartis dans l’Avranchin et le Mortainais, mais également plus de cent soixante correspondants résidants souvent à l’étranger. Pour se convaincre de son succès il suffit de parcourir la presse locale de ces années et de constater à quel point les activités de la Société d’Archéologie rythmaient la vie d’Avranches et de sa région.
Véritable « passeur de savoirs », il initiât également plusieurs générations de collégiens du fait de ses fonctions de professeur de « Rhétorique » (la classe de rhétorique correspond à la classe de Seconde de nos jours) et publia de nombreux essais dans des domaines aussi variés que l’histoire, l’archéologie, la philologie, et la botanique ; de tous ses ouvrages l’Avranchin Monumental et Historique est incontestablement le plus fameux.


Chanoine Émile-Aubert Pigeon (1829-1902)

Émile-Aubert Pigeon est né en 1829 à Saint-Pair-sur-Mer, fils de Georges Pigeon, receveur des Douanes, et de Marie-Louise Mottet, issue d’une très ancienne famille de Genêts. Après des études au Collège d’Avranches, le jeune homme se destina dans un premier temps à une carrière dans les Contributions Indirectes. Puis, en 1853, renonçant au métier de fonctionnaire, à la grande surprise de ses proches, il entre au Grand Séminaire de Coutances, bien décidé à devenir prêtre.

Émile-Aubert PigeonEn 1862, la vie de Pigeon prend un nouveau tournant ; à cette date Mgr Bravard est nommé évêque de Coutances et, très rapidement, les deux hommes s’apprécient. Après une première visite au Mont Saint-Michel, le nouvel évêque décide de sauver l’abbaye transformée en prison à la Révolution et menacée de ruine. Dans ce vaste projet, qui vise également à redonner aux lieux leur vocation religieuse, l’évêque trouve en la personne de Pigeon l’appui idéal : le jeune prêtre s’intéresse de près à l’histoire de la Baie et, en 1865, il publie un important travail de recherche sur l’abbaye intitulé Histoire Monumentale du Mont-Saint-Michel. Mgr Bravard, afin d’avoir un homme dans la place, nomme Pigeon curé de la paroisse du Mont ; ainsi pendant près de deux ans, ce dernier peut se consacrer à l’étude du monument. Puis, l’évêque rappelle Pigeon à Coutances et le charge de la rédaction de la Semaine religieuse. Peu enthousiasmé par cette ville qu’il qualifie lui-même d’ennuyeuse, Pigeon reporte son amour des « vieilles pierres » sur sa cathédrale qu’il arpente avec minutie. En 1875, il publie son ouvrage intitulé Histoire de la cathédrale de Coutances dans le quel il  met en évidence la structure romane de l’édifice conservée sous l’architecture gothique. C’est cette même année qu’il est nommé chanoine de ladite cathédrale. Archétype de l’érudit local, d’un naturel curieux, il fut également un collectionneur avisé, au goût éclectique, qui rassembla au fil du temps et au grès de ses voyages, une étonnante collection au caractère encyclopédique comme on les affectionnait au XIXe siècle. Décédé en 1902 à Coutances, ses collections furent conservées par ses héritiers qui, en 1985, permirent à la ville d’Avranches d’en acquérir une grande partie.


Emmanuel Poulle (1928-2011)

Diplômé de l’École des chartes en 1954, de l’École pratique des hautes études en 1961, docteur ès lettres, E. Poulle débuta sa carrière comme archiviste en chef de l’Aube, en 1954, avant de devenir conservateur à la direction des Archives de France deux ans plus tard. En 1959, il entra à l’École des chartes comme secrétaire général puis maître assistant en 1965. Après un passage au CNRS de 1968 à 1970, il revint à l’École des chartes comme professeur de paléographie avant d’en prendre la direction en 1988, jusqu’à sa retraite en 1993.

Emmanuel PoulleIl devint secrétaire perpétuel de l’Académie internationale d’histoire des sciences en 1993 et membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1996. E. Poulle fut aussi membre de nombreux comités nationaux et internationaux. En 2005 il fut élevé au grade d’Officier de la Légion d’honneur. Mais, à côté de ces fonctions éminentes, il était avant tout, pour nous, le président d’honneur de la Société d’archéologie d’Avranches, Mortain et Granville.Lorsqu’il accepta de prendre la présidence de la Société en 1998, chacun mesura l’honneur qu’il lui faisait et la chance que nous avions d’avoir à sa tête un historien de sa qualité. Il s’attacha immédiatement à donner un nouvel élan à notre vénérable association ; ainsi il souhaita rajeunir la Société en intégrant dans le Conseil d’administration des chercheurs et des universitaires prêt à donner de leur temps pour faire vivre la Société.
Tout d’abord, il souhaita redonner à la Revue un niveau scientifique susceptible d’attirer des chercheurs de renom issu du milieu universitaire mais aussi des étudiants travaillant sur des sujets ayant trait à l’arrondissement d’Avranches leur offrant ainsi l’opportunité d’une publication. Quand on consulte la table des matières des numéros de notre bulletin de cette dernière décennie, on ne peut que constater le chemin parcouru : la Revue de l’Avranchin et du pays de Granville est reconnue aujourd’hui comme l’une des toutes premières de Normandie. Il rédigeait régulièrement des notices bibliographiques, appréciées des lecteurs de la Revue pour leur objectivité et, parfois, leur intransigeance, mais qui reflétaient la rigueur intellectuelle de leur auteur dont la plume n’était cependant pas dénuée d’humour. Pour rendre accessible la grande variété d’informations éparse disponible dans les bulletins de la Revue, E. Poulle publia des tables décennales (1924-1999).
Il rehaussa le niveau des conférences trimestrielles de notre association : ses relations professionnelles et amicales permirent à nos membres d’écouter des chercheurs de dimension nationale voire internationale. Il ne craignait pas, en cas de défection d’un conférencier, de proposer une communication au pied levé sur l’un de ses sujets de prédilection.
Enfin, c’est encore à E. Poulle que l’on doit la création des visites mensuelles dont il accepta immédiatement le projet, lorsque certains membres en émirent l’idée en 2002, et qui débutèrent par une visite du prieuré d’Ardevon en janvier 2003. Le succès fut immédiat, et la centaine de personnes qui se presse, chaque mois, pour découvrir les trésors connus ou moins connus de l’Avranchin et du Mortainais peuvent en témoigner.
Sa formation de chartiste lui fit participer à l’ambitieux projet d’édition d’un fac-similé du Cartulaire du Mont Saint-Michel (BM Avranches, ms. 210).
E. Poulle fut enfin un fervent défenseur du patrimoine local. C’est lui qui sollicita la DRAC de Basse-Normandie afin de réclamer la protection de la fausse-braie des fortifications située en avant du Scriptorial ; grâce à ces démarches, les vestiges furent inscrits au titre des Monuments Historiques. En redonnant à l’hôtel Normand de Garat, dont il fit sa résidence avranchinaise, son lustre originel, E. Poulle a montré ce que devrait être une restauration respectueuse du passé et ce que pourrait devenir la vieille ville d’Avranches si ses riverains suivaient son exemple. Il y a quelques mois encore, il œuvrait avec son épouse à la sauvegarde du presbytère de Bacilly, commune à laquelle il était très attaché.
Emmanuel Poulle a marqué de sa forte personnalité notre Société : son souci de rigueur et d’ouverture lui ont permis de prendre, avec une vigueur renouvelée, le tournant du XXIe siècle.

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